Toponymie : la Ville de Liège poursuit la féminisation des nom de rues

Le Collège a décidé de proposer à l’approbation du Conseil communal du 1 mars prochain l’octroi de dénominations pour de nouvelles voiries et espaces sur le territoire communal.

Les choix opérés répondent au souhait du Collège de renforcer la féminisation des dénominations des voiries liégeoises. Les toponymes retenus rendent hommage à des personnalités de genre féminin qui ont marqué leur époque, notamment sur les plans culturels ou scientifiques, le plus généralement à Liège.

Pour marquer cette volonté de féminisation, le Collège a décidé de parfois déroger à la règle d’ancienneté afin de mettre en exergue des personnalités emblématiques.

1. Deux voiries liées au chantier du Tram :

Voirie d’accès au nouveau Pont des Modeleurs à Sclessin
« Rue Marie Defrère » : dénomination rendant hommage à Madame Marie Defrère qui a caché à Sclessin, pendant la Seconde Guerre mondiale, une petite fille juive de 8 ans, prénommée Rivka Knopf. Grâce aux époux Defrère, Rivka Knopf et sa maman ont pu échapper à la déportation dans les camps d’extermination nazis. En 1997, Marie Defrère et son mari ont été reconnus Justes Parmi les Nations par le Yad Vashem (dossier n°7610), à la demande de Rivka Knopf. Le 26 octobre 1998, La Ville de Liège, en la personne de son Bourgmestre, a reçu les médailles honorifiques des mains de l’ambassadeur d’Israël. Marie Defrère est décédée en 1971.

Voirie d’accès au terminus du Tram à Bressoux

« Rue Suzanne Clercx » : dénomination rendant hommage à Madame Suzanne Clercx (1910-1985), musicologue, professeure à l’Université de Liège. Elle porta haut l’ethnomusicologie et se distingua par l’étude du patrimoine musical liégeois. Un ouvrage de référence consacré à Grétry (10 éditions entre 1944 et 1978) témoigne de l’importance de son travail de recherche, contribuant par la même occasion à l’enrichissement du savoir liégeois.

Dès 1953, elle invite les professionnels de l’ethnomusicologie du monde entier aux « Colloques de Wégimont » dans le château éponyme. En 1957, avec l’aide de la Ville de Liège, elle fonde le festival de musique «Nuits de Septembre», événement incontournable de la musique ancienne en Belgique, brassant plusieurs siècles de création, du Moyen Âge à la fin de l’ère classique. Actuellement intégrées dans la fédération des Festivals de Wallonie, les Nuits de Septembre perdurent et privilégient aussi des expériences originales mêlant chefs-d’œuvre du passé, musiques du monde et créations contemporaines.

2. Une voirie à Rocourt dans le quartier « rue des Quatorze Verges »

« Rue de Bierthe » : La Gazette de Liège de la seconde moitié du XVIIIe siècle témoigne de la richesse et de la variété de la scène musicale liégeoise. L’engouement profond pour la culture à Liège n’est pas seulement l’apanage de quelques-uns, mais est partagé par l’ensemble de la population. L’enseignement musical privé est présent partout à Liège : professeurs de musique liégeois, français ou encore allemands inculquent quotidiennement les rudiments de l’art à leurs concitoyens.

Dans ce vivier culturel, Madame de Bierthe faisait connaître son activité de professeure de musique quasi quotidiennement par l’intermédiaire d’annonces – appelés «Avertissements» – dans la Gazette de Liège. Sa maîtrise de la musique vocale et des instruments à corde en faisait une instructrice réputée et plébiscitée – notamment auprès des jeunes filles et des dames désireuses d’apprendre la harpe (instrument très en vogue à l’époque).
La mise en avant de ces figures plus méconnues de l’histoire de Liège, dont Madame de Bierthe faisait partie, rend hommage à la culture liégeoise dans son aspect populaire et quotidien.
Voir Pauchen, Maurice Le siècle des lumières dans la principauté de Liège : Musée de l’art wallon et de l’évolution culturelle de la Wallonie, oct.-déc. 1980, Liège, p. 397-398.

3. Deux places et une esplanade sur le site du Val Benoît

« Place Françoise Héritier » : dénomination rendant hommage à Madame Françoise Héritier (1933-2017), anthropologue et ethnologue française. Dès 1958, elle accomplit plusieurs années de mission en Afrique Occidentale, ce qui lui vaudra en 1978 la médaille d’argent du CNRS pour ses travaux sur le fonctionnement des systèmes semi-complexes de parenté et d’alliance.
En 1980, elle devient directrice d’études à l’École des hautes études en sciences sociales. Son champ de recherche sociale porte notamment sur la valence différentielle des sexes, la domination masculine, les systèmes de parenté et la prohibition de l’inceste.
Militante féministe, elle porte un regard acéré sur notre société, et plus particulièrement sur les rapports femmes-hommes, adhérant à une nouvelle forme de féminisme qui s’attaque aux façons d’agir et de penser qui régissent notre société en général.
Elle fut membre d’honneur de l’association Femmes & Sciences à partir de sa création, en 2000, et membre d’honneur de l’association « Femmes pour le dire, femmes pour agir » (FDFA). Membre du comité de parrainage de la Coordination française pour la Décennie de la culture de non-violence et de paix, elle a soutenu dès sa création en 2001, le fond associatif Non-Violence XXI.
Première femme anthropologue au Collège de France, Françoise Héritier a développé une approche qui continue d’imprégner le travail des chercheurs, notamment à l’Université de Liège, où la formation en anthropologie offre à des femmes et des hommes d’étudier et de décoder de manière nuancée le quotidien dans un monde globalisé et complexe.
Ses nombreux engagements dans la lutte pour la paix et la non-violence lui ont valu en 2014 le titre de Grand Officier de la Légion d’honneur.
Enfin, elle est l’une des personnalités à l’origine de la création de la chaîne de télévision Arte.
« Place Émilie Noulet » : dénomination rendant hommage à Madame Emilie Noulet née le 2 mai 1892 à Auderghem et morte le 7 août 1978 (à 86 ans) à Coxyde, est une romaniste, une historienne de la littérature et une critique littéraire belge. Elle obtint son doctorat en 1924 avec une thèse consacrée à Léon Dierx et enseigna ensuite dans le secondaire. Dans les années 1930, elle fut l’assistante de Gustave Charlier et se consacra à L’Œuvre poétique de Stéphane Mallarmé, sa thèse d’agrégation de l’enseignement supérieur.

« Esplanade Jeanne Rademackers » : dénomination rendant hommage à Madame Jeanne Rademackers, née à Maaseick en 1862 et morte à Seraing en 1920, première à décrocher un diplôme de l’Enseignement supérieur au terme d’une formation en pharmacie menée au milieu de condisciples exclusivement masculins à l’Université de Liège.

Les propositions toponymiques formulées, ci-dessus, renforcent la volonté de la féminisation de la voirie à Liège, dans le cadre du projet Val Benoît. En effet, ces trois propositions viennent compléter la décision prise – à l’unanimité des suffrages – par le Conseil communal en sa séance du 3 février 2020 pour les dénominations de neuf voiries du site.
Ces dernières se répartissent comme suit :
• Voiries non carrossables : allée Albert Puters / allée Maria Goeppert / allée Marcel Dehalu / allée Zoé Gatti de Gamond / allée Charlotte Hauglustaine / allée Renée Greisch
• Voiries carrossables : rue Marie Curie / rue Albert Duesberg / rue Ferdinand Campus