Être père malgré tout
Louis n’avait pas prévu de devenir père si jeune. Sa vie ressemblait encore à un champ de ruines à peine rebâti, une succession de pas précaires sur des terrains instables. Et pourtant, quelque part, une petite fille était née. Sa fille.
Il avait repris contact avec la mère de l’enfant, animé par ce mélange de courage et de peur qui accompagne toujours les grandes décisions. Il voulait être présent, impliqué, utile. Il voulait voir sa fille grandir. Mais la réponse fut sans appel : il ne pourrait reconnaître l’enfant que s’il épousait la mère.
Ce que celle-ci ignorait encore, c’est que Louis avait récemment levé le voile sur une vérité intime qu’il apprenait à apprivoiser. Il aimait les garçons. Ce n’était ni une phase, ni une confusion. C’était ce qu’il était. Mais dire cela risquait de tout compromettre. Et Louis n’était pas prêt à prendre le risque de ne jamais connaître sa fille.
Jongler avec la vérité
Alors il a contourné les questions. Il a évoqué des raisons de santé, trouvé des excuses floues, évité soigneusement les révélations. Il n’était pas dans le mensonge, mais pas non plus dans la pleine vérité. Il évoluait dans cet entre-deux incertain, avec l’espoir que le temps lui permettrait d’exister dans la vie de son enfant.
Une boulangerie pour se reconstruire
Au même moment, Louis ouvrait sa toute première boulangerie, La Gourmandise. Il y avait investi toutes ses économies. Le projet était risqué, lancé sans préparation formelle, mais porté par une volonté profonde : celle de se relever, de bâtir, d’exister. Peut-être même, un jour, d’être un père digne de ce nom.
Chaque matin, il accrochait une affichette « OUVERT » sur la vitre comme on déclare au monde qu’on est là. Il souriait à ses premiers clients, les traits tirés mais le regard brillant. Ce commerce, ce n’était pas qu’un gagne-pain. C’était sa fondation.
Se marier pour être père

Louis a fini par accepter la condition imposée : se marier pour reconnaître sa fille. Ce n’était pas par amour. La jeune femme cherchait surtout à quitter le cocon familial, à prendre sa liberté. Louis l’a compris. Il a donné son accord pour le mariage, mais à une condition : pouvoir dire la vérité avant l’union. Il voulait être transparent sur ce qu’il était, sur sa double vie. Libre à elle d’accepter ou non.
Contre toute attente, elle a compris. Elle ne cherchait pas un mari dans le sens classique du terme, mais une porte de sortie. Louis a pu reconnaître sa fille avant même le mariage. Il était soulagé. Il avait tenu sa promesse, mais à ses conditions.
Une cohabitation impossible
Après le mariage, Louis a trouvé une maison pour elle et leur enfant. Il savait que vivre ensemble n’était pas envisageable. Le passé l’avait déjà démontré, le présent le confirmait. Sa femme n’était pas maternelle. Elle voulait fuir le regard de sa propre mère, qui lui reprochait sans cesse son désintérêt pour sa fille.
Louis a compris qu’il devrait prendre rapidement le relais. En attendant, il a demandé à sa belle-mère de s’occuper de l’enfant. Lui travaillait sans relâche : levé avant l’aube, couché après la fermeture. Sa boulangerie ne rapportait pas encore assez. Alors il a lancé une tournée de pain, d’abord en porte-à-porte, puis en structurant deux tournées régulières. Et cela a fini par payer.
Une deuxième boulangerie, et une priorité : sa fille
Avec le temps, Louis a ouvert une seconde boulangerie. Il allait voir sa fille tous les jours. Il veillait à ce qu’elle ne manque de rien. Il était là, en retrait mais vigilant, présent malgré tout.
Pendant ce temps, sa femme, restée seule dans la maison familiale, a fini par rencontrer un autre homme. Elle est partie avec lui, et Louis a consenti à lui verser une pension pour éviter les conflits. Il voulait la paix. Il voulait se concentrer sur l’essentiel : sa fille, ses boulangeries, sa reconstruction.